(ABC Bourse) - Alors que 99 % des stablecoins sont adossés au dollar, l’Europe tente un sursaut. Neuf banques européennes se préparent à émettre des jetons numériques en euros dès 2026, sous l'impulsion du gouverneur de la Banque de France.
À Paris, ce jeudi, François Villeroy de Galhau a lancé un message clair : les banques européennes doivent s’impliquer sans tarder dans le développement des stablecoins en euros. Le gouverneur de la Banque de France a profité de son discours d’ouverture au forum Fintech pour rappeler l’urgence d’agir dans un marché aujourd’hui ultra-dominé par le dollar.
Un stablecoin, c’est une cryptomonnaie dont la valeur est stable car adossée à une devise comme l’euro ou le dollar. Aujourd’hui, 99 % des transactions de stablecoins dans le monde se font en dollars, pour un marché estimé à 300 milliards de dollars (environ 280 milliards d’euros). L’Europe, elle, ne pèse quasiment rien. “Que des banques européennes s’intéressent au marché du stablecoin en dollars, pourquoi pas, puisque c’est là qu’est aujourd’hui le marché. Mais qu’elles s’intéressent tout autant à leur marché naturel de demain que sont les stablecoins en euros”, a plaidé François Villeroy de Galhau.
Un consortium de neuf banques déjà dans les starting-blocks
Première lueur : un consortium de neuf établissements européens, dont ING et UniCredit, prépare une émission de stablecoins libellés en euros pour le second semestre 2026. Ce groupe s’est formé après l’initiative pionnière d’une banque française. Mais les volumes restent modestes : environ 620 millions de dollars (soit 580 millions d’euros) contre des dizaines de milliards pour les géants américains Tether (USDT) et USD Coin (USDC).
Le gouverneur français insiste sur la nécessité d’un effort collectif. “La coopération de l’ensemble des acteurs de marché, et notamment des fintechs françaises, est donc nécessaire et urgente pour développer ces cas d’usage innovants”. Car l’euro numérique de la BCE, déjà en cours de développement, ne suffira pas à couvrir tous les besoins du futur. L’euro numérique de la BCE “n’a pas vocation à couvrir tous les usages de l’économie numérisée”, a-t-il rappelé.
Bruxelles élabore une stratégie face à l’hégémonie américaine
Dans les prochaines semaines, les ministres des Finances de la zone euro doivent se réunir à Bruxelles pour poser les bases d’une stratégie européenne sur les stablecoins. Objectif : reprendre la main avant que le marché ne soit entièrement structuré par les États-Unis. “assurer à l’Europe une place dans un marché que les États-Unis cherchent à dominer”, a expliqué un haut responsable.
Depuis juillet, la loi américaine Genius Act impose aux émetteurs de stablecoins des garanties en dollars ou en bons du Trésor. Un cadre juridique rassurant qui attire les investisseurs. “L’Europe expérimente, mais l’échelle n’a rien à voir avec ce qui se passe de l’autre côté de l’Atlantique”, note encore ce responsable. Et la menace est prise au sérieux : “risque pour l’Europe (…) d’être demain confrontée à une quasimonnaie, le stablecoin en dollars, de nature privée et émise par des acteurs non européens”.
Alors que Bruxelles envisage des ajustements ciblés du règlement MiCA pour soutenir l’innovation, l’ambition se précise. “Ce n’est que le début”, assure le même responsable. “Les ministres des finances veulent comprendre le paysage, recueillir des idées et définir une feuille de route. L’objectif est simple : garantir que l’Europe ait une véritable place à la table avant que le marché ne nous échappe”.
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